Conférence de presse du mardi 26 novembre 2019 au Hyatt Regency de Casablanca Allocution de Meriem Othmani, Présidente d’INSAF

Il y a un an nous avons annoncé, lors d’une conférence de presse, la promulgation de la loi 19 /12 sur le travail domestique. Nous avons mis en exergue l’article 23 de cette loi car cet article nous permettait d’expliquer aux employeurs qu’ils devaient libérer les enfants retenus chez eux sous peine de sanctions

D’après cet article, une personne qui emploie une petite bonne de moins de 16 ans est passible de 25 000 à 30 000 dhs d’amende. En cas de récidive, ces amendes sont doublées, et l’employeur risque 1 à 3 mois de prison. Nous étions persuadés que cet article allait permettre de libérer beaucoup de petites filles

Aujourd’hui, un an après, nous ne savons pas quel impact réel a eu cette loi.Nous n’avons malheureusement pas de statistiques crédibles sur le nombre d’enfants esclaves retenus dans les maisons

Elles sont devenues invisibles, les employeurs les cachent, nous ne les voyons plus dans les rues porter les lourds cartables des enfants de la maison, nous ne les voyons plus dans les hammams, traîner les seaux d’eau pour leur maîtresse.Et pourtant nous savons qu’elles sont là, tapies sur leur paillasse, souffrant en silence, enfermées dans les maisons, à la merci des employeurs

La preuve en est, des cas qui nous ont été signalés là-haut dans les montagnes, là où la pauvreté sévit, là où les intermédiaires font leur travail sans aucun scrupule

Dans le village de Telmset, dans la province de Chichaoua une petite fille de 9 ans a été enlevée de l’école par ses parents et elle a été livrée à une famille de Marrakech, Insaf a pu la libérer. Maintenant, elle est retournée dans sa famille, elle est revenue à l’école et Insaf la prend en charge dans son programme

Omar Saadoun, notre chef de projet, a repéré un café à Casablanca à Hay Farah, à Drissia plus précisément, et ce café est un lieu où les samsars amènent leur cargaison d’employées de maison et où les dames de la bonne société viennent choisir leur personnel.Ce sont souvent des adultes mais il y a aussi des enfants. Omar a pu en sauver une, issue du village d’Arghbar dans la province du Haouz. Elle a 11 ans, elle fait maintenant partie du programme d’Insaf. Les autres petites filles n’ont pas pu être sauvées

Il faut savoir que si un intermédiaire, vous livre un enfant, cela est considéré comme de la traite d’êtres humains et, à ce titre, cela est passible de 25 à 30 ans de prison, aussi bien pour l’intermédiaire que pour la personne qui a recruté l’enfant

Depuis 2002, Insafs’est investi dans cette pathétique problématique et, avec l’aide de ses partenaires, a pu arracher au travail domestique quelque 550 petites bonnes. Nous vous présenterons nos résultats tout à l’heure

Cependant, ce n’est pas suffisant. Nous savons que ce phénomène perdure et nous avons voulu être plus explicite.Nous avons donc demandé à l’agence 109 de nous produire un spot choc qu’ils ont intitulé “Arrestations”, que nous vous présentons ce soir

Nous avons eu de la chance : Khadija Alami a mobilisé gratuitement sa maison de production K. Film, Alex Lucain de l’agence 109 a conçu, écrit et réalisé, également gratuitement, ce spot. C’est grâce à eux que ce film a pu voir le jour. Nous aurions souhaité le diffuser sur les chaînes télévisées et sur les chaînes radios mais nous n’avons malheureusement pas trouvé le budget nécessaire : 1 million de dhs pour les télévisions et 200 000 dhs pour les passages radios

Grâce au financement de l’Agence de Coopération Espagnole, l’AECID, nous allons pouvoir le lancer dans les réseaux sociaux. Mais nous avons besoin de vous pour le diffuser, le partager, le vulgariser, le transférer afin de toucher le maximum de personnes.Nous devons lutter tous ensemble pour que plus personne n’ignore les risques encourus

Nous espérons que vous pourrez transmettre ce spot, qui ne dure qu’une minute, pour qu’il soit vu par le maximum de personnes.Nous souhaiterions que tous les habitants du pays puissent savoir ce qu’ils risquent en maltraitant un enfant dans le travail forcé.Nous refusons de laisser souffrir ces petites filles. Elles doivent aller à l’école, la pauvreté ne doit pas être une excuse pour les sacrifier.N’oublions pas que la pauvreté n’est pas la cause première de cette barbarie car des millions d’enfants pauvres vont à l’école

Ne pas agir serait de la non-assistance à personne en danger

Et, comme nous avons l’habitude de rêver, nous imaginons déjà des centaines de petites filles retourner dans leur village natal, courir dans les champs parsemés de fleurs et nous les entendons déjà rire sur le chemin de l’école

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